Mère Abbesse

L’abbesse dans le monastère est considérée – selon saint Benoît (1) – comme tenant la place du Christ et elle assure le service de l’autorité. Ce mot "autorité" (auctoritas) vient du verbe "augere" qui signifie augmenter, faire grandir. Tout est là.

L’abbesse tient la place du Christ, mais elle n’est pas le Christ, elle "est au service du Xst"(2) et son rôle sera de conduire les sœurs, qui lui sont confiées, vers le Christ, le seul vrai Berger, le seul vrai Pasteur. "La responsabilité d’une abbesse va donc être de signifier et de servir ce pastorat du Christ pour la communauté qui lui est confiée"(3). Elle devra aider chacune de ses sœurs à grandir, à devenir pleinement elle-même devant le Seigneur et devant les autres.

La responsabilité de conduire vers le Christ est à l’image de celle de Jean Baptiste qui a désigné le Christ, qui a invité à entrer dans son intimité. Dans un tableau de Grünewald au Musée Unter den Linden à Colmar, il y a une représentation de la Crucifixion et Jean Baptiste, le doigt pointé, désigne le Christ(4).

L’abbesse porte un souci pastoral, celui de toute la communauté qui lui est confiée et elle invite chacune de ses sœurs à suivre le Christ sur un chemin de sainteté qui se dévoilera instant par instant. Dans le quotidien, elle manifestera "la bonté et la bienveillance du Christ, s’étudiant plus à être aimée qu’à être crainte, s’adaptant au caractère de chacune"(5).

A l’image du Bon Pasteur, elle devra connaître ses sœurs. Elle sera "attentive à chacune dans la communauté. C’est là une responsabilité fondamentale et délicate"(6). Elle sera mère en écoutant chacune dans un climat de grande confiance, en respectant chacune, en priant pour chacune. Et quand il lui faudra reprendre, corriger, elle "le fera avec prudence et sans excès : il ne faut pas qu’en voulant gratter la rouille, elle brise le vase"(7).

Elle devra veiller aussi à l’unité de sa communauté, à la qualité de communion qui existe au sein de la communauté. Dire unité ne signifie pas uniformité, au contraire, l’accueil des différences est un enrichissement pour toutes, une complémentarité. Les différences sont nécessaires pour que la vie jaillisse et rayonne.

"La qualité d’une communion dans une communauté passe par la qualité de la communication entre ses membres.

N’oublions pas pourtant que la communion

est un fruit du mystère pascal. Elle est parfois écartèlement. Elle jaillit des bras écartés du Christ sur la croix et de son cœur transpercé"(8). Cela signifie qu’il faut savoir traverser l’épreuve et personnellement et communautairement.

L’abbesse a aussi le souci de l’accueil, car "le Bon Pasteur n’a pas la spiritualité de l’enclos"(9). Le monastère est un lieu privilégié que nombre de nos contemporains n’imagine peut-être pas. Dire lieu privilégié ne veut pas dire lieu de facilité. La vie commune exige beaucoup de dépassement et d’oubli de soi. La moniale n’entre pas au monastère pour fuir le monde, mais pour s’y enfouir et s’y ouvrir par la prière afin de porter les joies et les peines de toute l’humanité, une humanité dont elle est pleinement solidaire. Le monastère peut être un lieu de ressourcement pour beaucoup, d’approfondissement de la foi ou de découverte.

Superbe mission que celle de l’abbatiat qui est confirmée par le ministère de l’Eglise. C’est une mission et c’est une charge dont l’abbesse n’a pas à avoir peur, car "Dieu s’engage à… donner toujours la grâce de faire face"(10). Il est là comme la communauté qui est un lieu de grâce intense.

(1) Règle de saint Benoît, II, 2
(2) Mgr Ricard, homélie du 24 juin 2004
(3)idem
(4) Cf. homélie du 24 juin 2004
(5) Constitutions 33, 2
(6)Mgr Ricard, homélie du 24 juin 2004
(7) Règle de Saint Benoît, LXIV, 12
(8) Mgr Ricard, homélie du 24 juin 2004
(9) idem
(10) idem