« Elargis ton cœur ! »
Tu es invité au cœur d’une rencontre, d’une conversation où une sœur interroge une personne de passage à l’abbaye sur sa façon de vivre la foi, de témoigner de l’amour du Christ et de l’Eglise dans sa vie quotidienne.


Aujourd’hui, je rencontre François-Xavier Lacroux. Ce musicien et chef d’orchestre est un ami de la communauté. Au monastère, il anime des sessions de formation pour jeunes amateurs et professionnels de la musique. Ami du Christ, il expose l’art sous le regard de Dieu ou plutôt : il fait danser les anges sous le regard de Dieu.

Photo prise par Marie-Cécile Beaud


Sœur Marie-Benoît : François-Xavier, pouvez-vous nous dire qui vous êtes ?

François-Xavier : Je suis musicien et enseignant. Comme musicien, je pratique essentiellement la musique ancienne, c’est-à-dire plutôt baroque : clavecin et flûtes anciennes mais aussi le chant, que j’ai beaucoup pratiqué à une époque. Ma passion, c’est la musique sacrée. C’est ce que j’ai concrétisé professionnellement avec l’ensemble que j’ai fondé, Les Chantres de Saint-Hilaire. J’ai la chance de faire un métier passion et j’aime transmettre cette passion aux autres. C’est pour cela que j’ai aussi choisi d’enseigner et principalement dans notre belle région du Sud-Gironde. J’ai beaucoup voyagé à l’étranger et fait mes études en Italie et en Allemagne. Je suis donc assez sensible à l’universalité musicale. Parallèlement, j’enseigne l’allemand au lycée de Langon.

Sœur Marie-Benoît : Vous êtes passionné de musique. La musique est-elle une vocation ?

François-Xavier : Je suis né dans une famille où la musique avait une place vraiment importante. Même si ce n’était pas le métier de mes parents et de mes grands-parents, ils pratiquaient ardemment le chant et divers instruments. Mon grand-père avait d’ailleurs été chef d’orchestre. Tout petit, nous écoutions, mon frère et moi, de nombreux disques, notamment Mozart. A l’âge de 6 ans, j’ai demandé à faire du violon, comme une chose tout à fait naturelle… Et les choses se sont ainsi mises en place.

Sœur Marie-Benoît : Vous êtes chef d’orchestre. C’est tout un savoir faire, harmoniser les voix et les instruments ! Comment faites-vous pour faire que, les musiciens et chanteurs, comme dit le psalmiste : « tous ensemble ne fassent qu’UN » ?

François-Xavier : Etre chef d’orchestre ou de chœur, c’est d’abord être à l’écoute de chacun et de tous. C’est la première qualité requise d’ailleurs, je pense, pour être chef, c’est-à-dire, faiseur d’unité. Le chef d’orchestre doit savoir ramasser la sensibilité, la force, l’unicité de chacun, pour en faire éclater un fil unique, un son unifié, puissant, accordé. Et dire quelque chose avec sa direction. Il ne s’agit donc pas uniquement de gestuelle et le travail se fait essentiellement en amont, dans la préparation, sur la table de travail ou à son clavecin, avec l’imagination. J’entends déjà, en lisant, ce qui pourra se produire si je sais mener, conduire, les uns et les autres. Et je sais ce que j’attends d’eux. Je dois trouver les signes, les gestes, les paroles pour leur faire passer ce que je souhaite qu’ils puissent donner, qu’ils puissent transmettre. Une fois devant l’orchestre, en concert, ce n’est plus qu’un parcours de santé. 90% du travail est fait avant. Le chef doit s’investir énormément dans son travail. Il doit connaître les parties de chacun, déceler les difficultés qui peuvent se présenter, avoir une vision d’ensemble et en même temps être dans le détail. Enfin, le chef doit être avant tout très humain, très bon et fraternel, encourager, souder, parfois recoller, ce qui n’enlève rien à l’exigence musicale.

Sœur Marie-Benoît : Quel est votre compositeur préféré ? Si celui-ci se présentait chez vous sans prévenir pour passer une journée avec vous que lui diriez-vous et que feriez-vous ensemble ?

François-Xavier : Question ardue car je ne sais pas si j’ai de compositeur préféré. Plusieurs compositeurs m’ont marqué en fonction des périodes de ma vie. Si je n’en retenais qu’un, celui qui m’a touché non en premier, mais peut-être le plus profondément dans mes études de jeunesses, c’est Jean-Sébastien Bach. S’il venait, on ferait de la musique ensemble, mais surtout je l’écouterais me dire ce qu’il voulait témoigner dans sa musique, et je l’observerai jouer. Et j’aimerais l’entendre me parler de Dieu à travers sa musique.

Sœur Marie-Benoît : Si je ne me trompe, vous dites que « la voix est le prolongement de la personne et l’instrument est au service de la voix ». La musique donne donc d’exister. La foi au Christ que vous avez donne-t-elle plus de souffle à cette expression de vie qu’est la musique ?

François-Xavier : Je ne sais pas si elle donne plus de souffle, mais elle donne une conviction que la musique est à la fois l’expression la plus ultime pour « dire » Dieu et que Dieu nous dit quelque chose dans cette harmonie. La musique c’est quand même extraordinaire ; imaginez que ce n’est qu’un art éphémère et que cette puissance qui se dégage des sons ne peut être qu’une manifestation du divin. Je ne vois pas autre chose que l’image de l’absolue beauté de Dieu.

Sœur Marie-Benoît : Pensez-vous que l’art peut être une expression de foi et un mode de transmission de la foi?

François-Xavier : Ce n’est pas une probabilité, c’est une certitude. L’art est ce qui transcende l’homme, ce qui lui permet de rejoindre une certaine spiritualité. Tout art a quelque chose de Dieu. Il est donc logique de croire que le moyen privilégié pour transmettre la foi est l’art. Et l’Eglise a toujours cru en ce moyen. Elle était d’ailleurs le premier mécène des artistes. Aujourd’hui ce n’est plus vraiment le cas et la conviction que l’art doit être un vecteur essentiel de la transmission de la foi ne me semble plus au cœur des priorités. Mais cela reviendra, car on ne peut pas faire l’économie de cette réflexion.

Sœur Marie-Benoît : Pour vous, être témoin du Christ aujourd’hui, ça se traduit comment ?

François-Xavier : Chacun doit prendre sa place là où il est. Dans sa vie, son milieu de vie, être témoin, c’est vivre du Christ sans forcément que ce soit dans les paroles. Vivre en accord avec soi, avec l’Evangile, c’est énorme et déjà un combat. Partager avec les autres cette vie, c’est réfléchir sur ce qui est bon en l’autre et comment je peux être bon avec lui. L’amour est donc au centre de la vie du témoin. Par la musique, j’essaie de témoigner de la beauté de Dieu. Même sans paroles…

Sœur Marie-Benoît : Qu’est-ce que l’évangélisation pour vous ? Qu’est-ce qui est important de transmettre du message du Christ à vos proches et à ceux que vous rencontrez ?

François-Xavier : Pour moi c’est d’abord pratiquer les trois vertus foi, espérance et charité. Dans un monde qui broie du noir, c’est donc transmettre la valeur d’amour et d’espérance. La foi naît de cette rencontre. La foi en l’homme c’est déjà aussi un début et c’est essentiel. J’essaie d’être bon avec les autres. C’est ce qu’il me semble avoir appris du Christ. Et j’ai envie de dire : Dieu est amour et bonté. Rien d’autre !

Sœur Marie-Benoît : Quel est votre épisode préféré de l’Évangile ? Pouvez-vous nous dire les raisons de cette préférence ?

François-Xavier : « Aimez vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ». Je ne sais pas si c’est ma phrase préférée, mais cette référence ne me quitte pas, me semble-t-il, même si je n’en suis pas toujours digne, loin s’en faut. Il y a absolument tout dans cette parole : l’amour et l’exigence, la beauté et le pardon, le combat et l’espérance…

Sœur Marie-Benoît : Quel est votre regard sur l’Église d’aujourd’hui ? Qu’est-ce que vous voyez de beau à l’œuvre ?

François-Xavier : Je vous avoue avoir un peu de mal avec certaines liturgies qui ont évacué une grande part de mystère pour laisser la place à beaucoup de paroles et commentaires humains. Pourtant, c’est au coeur de la liturgie que le peuple se ressource. Je souffre que ce soit si peu considéré et vu de l’extérieur comme des cérémonies vieillottes et qui n’ont rien à montrer au monde d’aujourd’hui. Je trouve qu’on vit de plus en plus dans des mondes clos, séparés les uns des autres, communautaristes. Je n’ai pas toujours l’impression que les gens d’Eglise s’en rendent compte. Ne sont pris en compte dans la société que des formes moralisatrices. Et la liturgie ne vient même plus sauver cette parole en offrant le lieu de réconfort et de beauté qu’elle devrait être. Mais en gardant l’espérance, je vois que l’oeuvre de Dieu s’accomplit par de plus en plus de jeunes qui souhaitent autre chose qu’un monde matérialiste. Et ces révoltes contre la chosification de l’homme transformeront, tôt ou tard l’humanité.

Sœur Marie-Benoît : Quel est votre regard sur notre monde d’aujourd’hui ? Qu’est-ce que vous voyez de beau à l’œuvre ?

François-Xavier : Cette question rejoint un peu la précédente car il me semble que l’Eglise, si elle n’est pas du monde, doit être dans le monde et le rejoindre en permanence sur ses préoccupations. J’aime le monde, rencontrer les uns et les autres, échanger, faire de la musique avec des gens qui sont parfois loin de mes convictions et qui ont pourtant des vies exemplaires, spirituelles, bonnes. Sans professer la même foi, voire parfois aucune foi. Mais ils ont un réel amour de l’homme.

Sœur Marie-Benoît : Si vous rencontriez le pape François, que lui diriez-vous ?

François-Xavier : Je ne sais pas si je serais capable de lui dire quoi que ce soit… Je l’aime bien ; il semble sensible au monde justement, il entend les souffrances, les joies et les peines. Il accepte de réfléchir sur des sujets qui semblaient bloqués avant. Alors peut-être que je lui dirais : « Continuez, en avant ! ».

Sœur Marie-Benoît : Qu’est-ce qui vous paraît important de dire à des jeunes en recherche de sens ?

François-Xavier : Le sens de la vie ne se trouve pas dans le matériel. La première richesse est celle de l’être intérieur. Et on doit le nourrir sans cesse. L’art est un excellent moyen d’élever son âme…

Sœur Marie-Benoît : Quelle est votre recette du bonheur?

François-Xavier : L’amour ! et le dépassement de soi.

Sœur Marie-Benoît : Quelle parole de sagesse ou autre, souhaitez-vous partager à nos internautes ?

François-Xavier : « Age quod agis » : deviens ce que tu es. Et Saint Augustin rajouterait : « Aime et fais ce que tu veux ». L’art, c’est ce qui permet de se réaliser et de s’ouvrir à l’amour. Il ne faut pas en avoir peur !

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LES FILS DU TONAIRE PRODUCTION
Ensemble Les Chantres de Saint Hilaire
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contact@chantres-de-st-hilaire.com
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