Charles Dumont
(1918-2009)
moine de Scourmont


L’épreuve d’aimer
La vie est à penser comme épreuve
-Parcours à franchir en temps donné-
Qu’il te faut bien accueillir sans preuve
Pour aimer ce pourquoi tu es né.

Si la route est grise et monotone
Prends alors ton plaisir à marcher ;
Si ta paix, tout en allant, t’étonne
Tu sauras le bonheur de chercher.

De chercher au plus profond qui soit
(Et c’est même en cela qu’est l’épreuve)
Celui seul plus toi-même que toi
Pour aimer lui en donner des preuves.

Or, il n’est d’autre preuve d’aimer
Que l’amour : « J’aime puisque j’aime » ;
Ne feront qu’un, l’amant et l’aimé,
Qu’aspirés dans cet amour suprême.

L’amour reste à l’épreuve du temps :
Le trouver, c’est le chercher sans cesse,
L’attendre, le saisir un instant,
S’en souvenir pour qu’il reparaisse.

Parfois la vie est comme un sommeil
Peuplé de cauchemars ou de rêves :
Une nuit pour mûrir un réveil
Eternel, qui nous la rendra brève.

L’épreuve est d’attendre infiniment
Que se révèle à tous ceux qui l’aiment
Cet amour qui attend ardemment
De les révéler tous à eux-mêmes.

Le désir est le bonheur d’attendre
Et la paix, d’être aimé et d’aimer.
Le feu doit rester feu sous la cendre
Et patiemment te consumer.

Et quand viendra ta mort corporelle
Au bout de ce chemin qui finit,
Que lui échappe une âme immortelle
Et qu’elle aille aimer à l’infini !

Charles Dumont
Le 6 janvier 2003,en ma soixantième année monastique.